13 avril 2005

On n'est bien peu de choses, ma bonne dame!

'Quand un être, et surtout un enfant, a été réduit à une langue, il n'a plus de nom. C'est toujours le cas, sans exception. On ne dit pas: "Nous avons incisé la gorge de Gilly Paulsson", ni "Nous avons repoussé les tissus et extrait les organes de la gorge de Gilly", ou encore "Nous avons prélevé la langue de Gilly de la bouche de cette petite fille." On ne dit pas: "Nous avons enfoncé une aiguille dans l'oeil gauche du petit Timmy pour récupérer un peu d'humeur vitrée à des fins d'analyses toxicologiques." On ne dit pas: "Nous avons décalotté Mrs Jones, extrait le cerveau et découvert les signes d'une rupture d'anévrisme." On ne dit pas non plus: "Il a fallu deux médecins pour pratiquer une mastoïdectomie sur Mr Ford parce qu'il était en pleine rigor mortis au moment de l'autopsie et doté d'une forte musculature qui rendait impossible l'ouverture de la bouche."
Il s'agit d'un de ces moments de lucidité, un de ceux qui frôlent les pensées d'Eise comme l'ombre du Grand Oiseau noir. C'est ainsi qu'il l'a baptisé. S'il léve la tête, il n'y a plus rien, juste un moment de conscience. En réalité, il n'a pas envie d'aller au fond des choses, de percer leur mystère. Parce que, lorque la vie des gens se résume à des coupes et à des prélèvements qui finissent sur ses lames de microscope, mieux vaut ne pas trop chercher à entrevoir le Grand Oiseau noir. Son ombre est déjà assez terrifiante.'
Signe Suspect, Patricia Cornwell. Editions des Deux Terres, mars 2005.
Non, mais c'est quoi cette fille qui se la claque en citant les références bibliographiques à la fin de ces citations ?!
C'est juste que j'ai eu une nouvelle illumination (cf l'Anglomane). Les réfléxions plus ou moins philosophiques sur ce qui arrive à nos corps morts, c'est pas éxactement l'idéal avant de s'endormir. Quoique quand on y réfléchit bien, l'histoire de la mastoïdectomie, ça ne donne pas non plus envie de se mettre à ses fourneaux de ménagère de moins de 20 ans.
Tiens pour la culture générale, voilà ce qu'on trouve avec google, quand on demande "mastoïdectomie + images" :
Oscar Wilde probablement mort d'un cholesteatome compliqué (et peu de temps apres une mastoidectomie) et non pas d'une syphilis .
Oui, parce qu'en fait, maintenant que je suis parvenue à maitriser la technique du post d'images, je me disait que ça ferait une jolie illustration. Et de bon goût, en plus.

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