01 novembre 2005

Sur un autre ton, s'il te plaît, Kevin !

Faut s'y faire, à 3 heures du mat, devant le café des Anges*, une fille qui n'a pas un physique de patate -et encore- a toutes les chances de se faire aborder par toute une horde de Kevins aux esprits échauffés par au moins une demi Smirnoff Ice.

Admettons.

Là où je dis "Non, Sheila", c'est à 19h45 sur le cours Léopold. Hier soir, entre un poney** et des gamins avides de sucreries, je me suis fait interpellée...

Hé, la fille!
Ho hé, la fille, tu pourrais répondre!
Oh salope, tu pourrais au moins venir me sucer la bite!

Linguistique appliquée, aujourd'hui penchons nous sur les maximes de Grice.

Maxime 1, la maxime de qualité, c'est à dire que je m'attends à entendre un contenu qui a du sens, mais aussi à ce que mon interlocuteur soit sincère.
Et là, je m'interroge. Kevin s'imaginait-il que j'allais lui sucer la bite à côté de la benne à fumier d'éléphant ?

Maxime 2, la maxime de quantité qui veut que le locuteur ne dise ni plus ni moins que ce qu'il tient à exprimer. En d'autres termes, Kevin me proposait, fort poliment au demeurant, de lui sucer la bite, mais pas simplement de lui lécher les couilles, ou alors de sucer à la chaîne toute sa bande de casquettes-chaussettes. Toujours être précis dans ses requêtes!

Maxime 3, la maxime de pertinence montre que toute parole s'inscrit dans un schéma. On ne commence pas une conversation par Au revoir, à demain. Vraiment, je tiens à féliciter Kevin pour son respect de la maxime de pertinence, car signe d'une époque troublée, quand je me fais aborder dans la rue, je m'attends toujours à ce que la sensibilité du jeune public soit heurtée. Bien sur, cette routine ôte un peu de sel aux demandes formulées, mais au moins, j'anticipe, et je peux accélérer le pas.

Maxime 4, la maxime de manière que l'on peut résumer ainsi : be brief, be orderly and avoid ambiguity. Eh bien, là encore, Kevin s'est illustré par l'éblouissante clarté de son message. Il a bien défini la personne à qui il s'adressait, c'est à dire "la fille", c'est à dire moi, et a fait valoir sa déception quant à mon refus manifeste d'engager une conversation en me faisant comprendre vertement que je n'étais pas très urbaine.

Ah, vraiment, Kevin, tu es un pur cas d'école. C'est bien simple, si tu parlais anglais, je te choisirais comme sujet d'étude. En même temps, je n'ai eu qu'un bref aperçu de tes compétences linguistiques, alors, si tu t'adonnes à l'anglais, je t'en prie, n'hésite pas à reprendre contact.

Bande son: Bono and Andrea Corr, Don't come knocking.

*un genre de Macoumba Night nancéen, spécial lycéens.
**rapport au cirque Arlette Gruss qui a élu domicile sur la place Carnot.

5 commentaires:

Anonyme a dit…

Magnifique. Du grand art.
Moi j'aurais été un brin plus fin. Notamment, je t'aurais appelée "la fi".

Anonyme a dit…

Pauvre France ...
Allez Sarko, nettoie-nous ça au Kärcher !

Et ne trahissez pas votre manque d'humour en m'accusant de faire le feu du Front National.

Anonyme a dit…

J'apprécie cette fraîcheur et cette sincérité dans les rapports humains. En toute simplicité, quoi. A présent tu sais ce qu'il te reste à faire: améliorer la pertinence et la concision de ta réponse.
Genre: "ne le prenez pas mal mais en l'occurence je préfèrerais encore sucer un poney" .

Anonyme a dit…

comme quoi, contre toutes attentes, les cours de linguistique ont du bon... sans ça je me serais moins marré sur la petite anecdote; pas que je doute de tes capacités à être drôle mais vu que tu m'avais déjà raconté l'histoire...

Anonyme a dit…

Ah, c'est plus "salope" par chez vous ? Dans ma contrée, une certaine population utilise plutôt le tonitruant mais non moins efficace "pute". Un exemple : "Hé sale pute va ! Pute ! Ben sûr qu't'es une pute. Tu vois pas qu't'es une pute, sale pute ?!". On dirait que le cercle des poètes disparus a influencé toute une génération.